Les biofongicides microbiens ont le vent en poupe, en particulier dans les productions horticoles et maraîchères mais ils se développent également rapidement au sein de l’agriculture dans son ensemble.
Pour les exploitants qui débutent, apprendre à utiliser efficacement ces nouveaux outils contre les maladies végétales foliaires et telluriques semble relever du parcours du combattant. Quant à ceux qui ont déjà essayé dans le passé mais n’ont obtenu que des résultats décevants (ou pas de résultats du tout), on peut comprendre qu’ils fassent preuve de réticence à ré-accorder leur confiance.
Et pourtant, ces produits ont fait tellement de progrès, qu’il est plus que temps de s’y pencher de nouveau.
Depuis les tous premiers biofongicides homologués, il y a plus de 30 ans, le nombre de produits et de formulations disponibles a considérablement augmenté. Les progrès en termes de simplicité d’utilisation, de qualité, de stabilité et de connaissances techniques ont permis une réelle amélioration de l’efficacité et du coût d’utilisation de nombreux produits.
Cet article vise à aider les producteurs à choisir, tester et tirer le meilleur parti des biofongicides microbiens dans leur stratégie de gestion des maladies.
1 - Les biofongicides microbiens, qu'est-ce que c'est?
Les biofongicides microbiens ont pour principes actifs des souches spécifiques de bactéries ou de champignons vivants, choisis pour être des ennemis naturels des champignons pathogènes.
Dans certains cas, les produits formulés contiennent également des métabolites secondaires produits par ces microorganismes.
Dans tous les cas, les biofongicides doivent avoir reçu une homologation garantissant leur efficacité et leur innocuité.
2 - Comment agissent les biofongicides microbiens ?
Généralement, ils agissent contre les agents pathogènes des plantes au moyen de deux (ou plusieurs) des modes d’action (MOA) non toxiques expliqués ci-dessous:
1. Compétition pour l’espace & les éléments nutritifs
La souche active du biofongicide se propage et occupe progressivement l’espace. Elle entre ainsi en concurrence avec les agents pathogènes sur les surfaces des plantes et/ou dans le sol environnant, les empêchant de s’établir ou bloquant leur accès à la plante hôte.
La souche active accapare également les nutriments que les agents pathogènes utiliseraient pour se développer, se propager et infecter activement la plante.
2. Libération de métabolites antagonistes des agents pathogènes des plantes
Les agents de défense libérés par la souche active du biofongicide inhibent ou perturbent la croissance, la propagation et le déploiement des agents pathogènes sur ou autour de la plante.
3. Hyperparasitisme ou prédation pour neutraliser ou tuer les agents pathogènes en s’en nourrissant
En cas d’hyperparasitisme, le biofongicide infecte et se développe sur les agents pathogènes. Il les affaiblit et réduit leur impact sur la plante hôte et autour d’elle.
Dans le cas de la prédation, le biofongicide attaque physiquement, digère et consomme les agents pathogènes de la plante. Cela a pour effet de les neutraliser ou de les éradiquer de l’environnement de la plante hôte.
4. Stimulation des défenses naturelles des plantes contre les agents pathogènes
Le biofongicide interagit avec la plante hôte pour déclencher localement ou de manière systémique, des mécanismes de défense lui permettant de réagir contre l’infection et/ou la propagation de l’agent pathogène.
Les réponses de la plante peuvent varier en intensité et en durée. Selon l’agent inducteur et le mécanisme déclenché, les espèces et variétés végétales peuvent varier dans leur capacité à réagir et leur sensibilité à l’agent inducteur.
La plupart des principes actifs microbiens homologués combinent au minium deux de ces modes d’action.
3 - Avantages des biofongicides microbiens en agriculture
Maintenant que vous êtes incollable sur les biofongicides et comprenez comment ils fonctionnent, voici 7 bonnes raisons de les utiliser :
Protection efficace contre les maladies fongiques des plantes – en remplacement ou en complément des produits fongicides de synthèse
Meilleures rentabilité et durée de conservation des produits grâce à de plus faibles délais de ré-entrée ou délais avant récolte
Risques réduits pour la santé et la sécurité des professionnels, des consommateurs, des cultures, des insectes auxiliaires et de l’environnement.
REMARQUE : les équipements de protection individuelle (EPI) sont indispensables durant la préparation, l’application et les délais de réentrée (DRE) afin de protéger les employés d’éventuels risques de développer une sensibilité aux composants biologiques de ces produits
Réduction ou suppression de phénomènes de résistance des agents pathogènes aux fongicides de synthèse
Aucune résistance connue aux différents modes d’action de ces principes actifs
Meilleure commercialisation et valorisation des récoltes grâce à une demande croissante des consommateurs pour des produits issus d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement et plus durable
Une utilisation régulière améliore durablement la santé des plantes, du sol et de l’environnement et peut permettre de réduire la pression exercée par pathogènes sur le long terme
4 - Les biofongicides dans la lutte contre les maladies des plantes
Au cœur de la théorie de la gestion des maladies des plantes se trouve le triangle des maladies des plantes.
Ce triangle illustre les liens entre une plante hôte sensible, un environnement favorable et un agent pathogène virulent. Lorsque quelque chose perturbe ou modifie l’un de ces éléments, il en découle une diminution ou la maîtrise d’une maladie donnée.
En matière de lutte intégrée ou protection intégrée,
les fongicides biologiques et synthétiques sont des outils incontournables
pour perturber efficacement un ou plusieurs de ces éléments.
Les programmes de lutte intégrée les plus efficaces sont préventifs plutôt que curatifs.
Ils incluent généralement :
Une bonne connaissance de l’historique et du potentiel des agents pathogènes qui peuvent affecter la culture, y compris leurs caractéristiques biologiques, leur mode de propagation et l’influence des facteurs associés à la plante, environnementaux et culturels.
L’élimination des agents pathogènes de la culture et son environnement et/ou la réduction significative du niveau de pression de la maladie.
Des mesures sanitaires et d’hygiène appropriées pour protéger des cultures saines d’une contamination issue de plantes malades ou d’équipements ou intrants touchés.
Le contrôle des facteurs environnementaux, physiques et chimiques, dans la mesure du possible, afin de limiter les conditions favorisant le développement des agents pathogènes, le stress des plantes et la propagation des maladies.
La surveillance continue de la maladie et diagnostic précis des agents pathogènes dans le but d’identifier tout problème imprévu et de le consigner pour référence ultérieure.
Identifier, comprendre et optimiser l’usage des fongicides biologiques et synthétiques pour prévenir ou limiter les maladies de manière rentable.
Ces éléments réunis perturbent ou éliminent les facteurs environnementaux, culturaux et biologiques indispensables à la croissance des agents pathogènes, à leur développement et à l’apparition de maladies.
De la même façon, on constate que les biofongicides sont plus efficaces en association avec d’autres méthodes de gestion des maladies.
5 - 8 étapes simples pour intégrer les biofongicides microbiens dans votre programme de protection des cultures
Bien ciblés, utilisés correctement et au bon moment, les biofongicides microbiens ciblent directement les vulnérabilités biologiques des agents pathogènes. Mais ils renforcent également la santé physiologique des cultures, peuvent stimuler leur défenses naturelles pour finalement augmenter la qualité et rendement des cultures.
La section suivante propose des pistes pour vous aider à concevoir efficacement vos propres programmes de lutte contre les maladies à l’aide de biofongicides microbiens.
Pensez de manière globale
Pensez d’abord préventif, puis réactif et curatif.
Les biofongicides fonctionnent mieux en prévention. S’ils peuvent protéger efficacement les plantes saines lorsque appliqués avant une attaque et peuvent stopper la progression d’agents pathogènes déjà présents, il ne pourront jamais réparer les dommages déjà créés sur les cultures.
Certains fongicides permettent un contrôle curatif des maladies mais l’effet n’est pas indéfini. Cependant, la plupart des fongicides synthétiques et certains biofongicides permettent d’assurer un contrôle thérapeutique en réduisant suffisamment les niveaux ou le développement des agents pathogènes pour perturber, retarder ou neutraliser la progression de la maladie sur les plantes affectées.
Le savoir, c’est le pouvoir
Apprenez à connaître et comprendre les agents pathogènes susceptibles d’affecter chacune de vos cultures, leurs caractéristiques biologiques et leurs cycles de maladie.
Cela vous permettra d’anticiper les maladies potentielles avant qu’elles ne se produisent. Vous pourrez alors sélectionner les produits qui exploitent les faiblesses des agents pathogènes et décider à l’avance si et quand appliquer ces produits dans votre programme.
Sélectionnez les meilleurs fournisseurs et distributeurs pour optimiser vos résultats
La façon dont les biofongicides microbiens sont produits et formulés a un impact considérable sur leur efficacité. Deux produits contenant le même ingrédient actif peuvent donner des résultats très différents.
Se tourner vers des industriels possédant une expertise interne en matière de fermentation et de production permet de garantir la qualité du produit que vous utilisez d’un lot à l’autre.
Enfin, privilégiez les fournisseurs offrant une bonne assistance technique, cela peut déterminer le succès ou l’échec de votre programme. Sélectionnez les meilleurs fournisseurs et distributeurs pour optimiser vos résultats.
Choisissez les produits et formulations les plus adaptées au(x) pathogène(s), à la culture et à son environnement
N’hésitez pas à consulter les conseillers techniques du producteur, votre distributeur, consultez les ressources en ligne, échangez avec des spécialistes ou avec d’autres producteurs ayant de l’expérience sur les biofongicides, pour connaître les produits et les formulations adaptés à chaque combinaison culture-maladie.
Voici quelques types d’application et la formulation correspondante :
- Pulvérisation foliaire, pulvérisation du sol, pulvérisation des semences, brouillard, trempage, trempage, bouillie : Liquide, ES, EC, WP, WG, WDG.
- Épandage superficiel, dans le sillon, incorporation avant la plantation (sols et milieux de croissance) : Granule ou G.
- Traitement sec des semences : WP, DP ou Planter Box.
Choisissez la bonne méthode d’application
Consultez des experts pour trouver le mode d’application, les doses et les modes d’utilisation les plus efficaces en fonction du besoin que vous avez identifié.
Ne négligez pas l’entretien de vos équipements pour une efficacité optimale et pour éviter le gaspillage de produits.
Lisez attentivement les étiquettes
Lisez attentivement les étiquettes pour connaître les exigences et les limites en matière de stockage, de manipulation, de mélange et d’application.
La plupart des biofongicides microbiens contiennent des microorganismes vivants et/ou des métabolites ou des extraits de leur fermentation. Ils ne supportent généralement pas les températures ou des conditions matérielles extrêmes au même titre que la plupart des fongicides synthétiques. De ce fait, Leur durée de conservation est limitée et ils demandent des conditions de stockage particulières.
Les microorganismes présents dans les biofongicides microbiens liquides, en poudre mouillable et en granulés mouillables ne sont pas solubles dans l’eau. Ils doivent donc être maintenus en suspension par une agitation régulière pendant l’application pour assurer une répartition homogène sur la culture.
Vérifiez que les filtres de vos pulvérisateurs, injecteurs et systèmes d’irrigation sont compatibles avec les biofongicides potentiels.
Utilisez les EPI et REI requis pour chaque produit (biologique et synthétique).
Testez à petite échelle avant de vous lancer
Déterminez si le nouvel outil mérite l’investissement par rapport à votre programme actuel avant de vous engager pleinement.
Voici quelques conseils :
- Définissez à l’avance les critères (mesurables) sur lequel vous voulez évaluer le nouveau produit : effets sur les maladies, croissance des plantes, rendement commercialisable, qualité commercialisable, retour sur investissement, etc.
- Faites des essais à une échelle suffisamment grande pour pouvoir faire une comparaison côte à côte raisonnable, mais suffisamment petite pour ne pas exposer votre culture à un risque financier important si le biofongicide ne donnait pas les résultats escomptés.
- Essayez d’intégrer le nouveau produit à votre programme actuel plutôt que de tout changer d’un coup.
- Documentez vos observations et vos résultats : le bon, le moins bon et le très mauvais. Conserver et consulter ces informations vous aidera à ajuster votre programme pour optimiser son efficacité, son coût et à prendre les meilleures décisions.
L’appareil photo de votre smartphone est un excellent outil pour garder trace de vos analyses comparatives, des résultats inattendus et autres observations visibles au fur et à mesure que vous les rencontrez.
Tenez compte de la compatibilité, de la complémentarité et d’éventuelles synergies avec d’autres intrants et pratiques
La compatibilité avec d’autres pesticides (biologiques ou de synthèse) dans la cuve ou au sein de rotation peut aider à économiser des passages. Restez attentif aux effets inattendus, qu’ils soient positifs ou négatifs.
6 - Récapitulatif de ce qu'il faut savoir avant de se lancer dans les biofongicides
Il est difficile pour les agents pathogènes de développer une véritable résistance aux biofongicides grâce à leurs modes d’action multiples et non spécifiques. Ils sont de ce fait, des partenaires de rotation idéaux pour de nombreux fongicides de synthèse, car ils peuvent contribuer à prévenir ou à retarder le développement de phénomènes de résistance.
Utilisés seuls, ils seront plus efficaces lorsque la pression de la maladie est faible à modérée, dans les conditions normales de développement de la maladie. Mais leur efficacité risquent d’être impactée en cas de forte pression de la maladie, lorsque les quantités d’agents pathogènes sont élevées et/ou que les conditions deviennent soudainement très favorables au développement de la maladie.
C’est la raison pour laquelle on privilégie souvent leur utilisation en combinaison avec des fongicides de synthèse et/ou d’autres biofongicides compatibles afin de gérer les maladies.
Tout comme les fongicides de synthèse, ils ne restent pas à des niveaux efficaces indéfiniment. Les ingrédients actifs microbiens de nombreux produits appliqués au sol ou sur les substrats de culture peuvent persister de 2 à 12 semaines, en fonction de différents facteurs liés au sol, à l’environnement, à la plante, ainsi que selon les pratiques culturales. Par exemple, l’application de biofongicides foliaires doit être renouvelée régulièrement car les microorganismes ne se propagent généralement pas (ou pas assez vite) sur les jeunes pousses, ils ne sont pas systémiques et peuvent être impactés négativement par des stress environnementaux tels que la lumière UV, un faible taux d’humidité , des températures extrêmes ou des intrants de culture incompatibles.
Ils ne peuvent pas réparer ou pallier de mauvaises pratiques ou des conditions de production défavorables. Aussi efficaces soient ils, il est essentiel que les producteurs préviennent autant que possible les conditions qui favoriseraient la propagation, la croissance et le développement des agents pathogènes et limitent les pratiques qui rendent leurs cultures plus sensibles aux maladies.
Les biofongicides microbiens ne sont pas des produits miracles. Mais bien informés et formés vous pourrez construire, évaluer et mettre en œuvre des programmes de lutte contre les maladies efficace à l’aide des biofongicides.
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