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par Martin Lage

Directeur technique marché des légumineuses



co-auteur
Caroline de Rauglaudre

Les activités agricoles impliquent de nombreuses interactions entre l’écosystème et les systèmes de production mis en œuvre. La productivité ou les résultats économiques dépendront de multiples variables, certaines généralement mesurées lors de chaque saison afin calculer le bénéfice économique de l’entreprise.

Mais au-delà du rendement et de la quantité des récoltes ou produits obtenus (grain, lait, viande, fibres, etc.), les techniques agricoles auront un fort impact sur le système en général : propriétés du sol (teneur en nutriments, pH, structure physique) et propriété de l’écosystème (vie microbienne, essences végétales et populations d’insectes).

Si la prise de conscience a progressé, il est encore difficile de suivre correctement certains de ces changements dans chaque système de production.

De fait, les bonnes pratiques agronomiques et agricoles sont indispensables pour produire dans les bonnes quantités et à la bonne qualité, tout en ayant en tête de préserver l’environnement.

1 - Les multiples avantages d'une rotation de culture

La rotation de culture n’a pas pour seul but de diversifier la production et réduire les risques commerciaux (liés à une éventuelle baisse de la demande ou baisse des prix de certaines denrées).

Plusieurs avantages découlent d’une rotation de culture bien conçue. Une bonne rotation comprend une combinaison de cultures poussant au cours de la même saison (au niveau de l’exploitation et au niveau régional) et une bonne alternance de cultures sur plusieurs saisons.

Parmi les principaux avantages, citons :

✅ la réduction de l’impact négatif sur certaines caractéristiques du sol et sur l’érosion

✅ une meilleure gestion des maladies, des organismes nuisibles et de la salissure

✅ une augmentation générale du recyclage des éléments nutritifs

✅ et une meilleure mise à profit des précipitations et de l’ensoleillement.

Selon le type de rotation mis en place, il peut également y avoir de grands avantages environnementaux :

✅ une augmentation de la séquestration de carbone et

✅ la fixation d’azote (N2) atmosphérique

Une rotation de cultures bien conçue présente de nombreux avantages pour l’agriculteur

2 - La fixation biologique de l’azote :
de quoi s’agit-il ?

L’atmosphère est un énorme réservoir d’azote (78 % de l’atmosphère est constituée d’azote) mais comme il se trouve sous la forme N2,  une forme à triple liaison, les plantes ne peuvent pas l’utiliser tel quel. Cependant, certains microorganismes (dont la plupart classés dans le genre rhizobium spp.) peuvent utiliser l’azote atmosphérique et le transformer en composés chimiques que les plantes peuvent absorber et utiliser.

C’est ce que l’on appelle la Fixation Biologique de l’Azote (FBA).

Le processus de la FBA se déroule au sein de nombreux écosystèmes où des espèces de légumineuses et des rhizobiums spécifiques (bactéries du sol à gram-négatif appartenant aux genres Rhizobium, Bradyrhizobium, Sinorhizobium, Mesorhizobium et autres) peuvent travailler en symbiose. Ces bactéries fixent l’azote atmosphérique et le transforme en ammoniac, une forme utilisable par le plantes. Cette symbiose est très spécifique, c’est-à-dire qu’à chaque espèce de légumineuse correspond son espèce de rhizobium permettant le processus de fixation de l’azote.

Ce processus se produit au niveau des nodules racinaires, si le sujet vous intéresse, vous pouvez aller lire cet article qui montre en détail de procédé.

La FBA est un processus naturel
par lequel l’azote atmosphérique est converti
en forme utilisable par les plantes

3 - Pourquoi inoculer ses cultures de légumineuses avec des rhizobiums ?

Dans les écosystèmes naturels et non modifiés, les espèces de légumineuses indigènes et leur espèce de rhizobium spécifique coexistent généralement, en raison de l’évolution naturelle, et de ce fait, les processus de nodulation et de fixation de l’azote se produisent.

Ainsi, lors du semis d’espèces de légumineuses, que ce soit à pour le grain ou le fourrage, l’utilisation d’inoculants de bonne qualité accélère l’introduction de souches rhizobiennes spécifiques et efficaces dans le sol.

Le fait de placer les bons partenaires bactériens à proximité des racines — appliqués en TS directement sur semences ou dans la raie de semis — favorise la nodulation précoce de la plante avec les espèces inoculées.

L’inoculation donne d’excellents résultats, aussi bien en production fourragère que dans la production de légumineuses à graines.

Dans la plupart des environnements, cette technologie augmente la productivité sans avoir recours à une fertilisation chimique.

Cette pratique agronomique présente des avantages considérables pour les agriculteurs, non seulement lorsque le champ n’a jamais été cultivé avec une légumineuse en particulier, mais également lorsque le sol pourrait déjà avoir eu des populations indigènes ou introduites de rhizobiums spécifiques, parfois moins efficaces.

4 - Les différents types de légumineuses et leur taux de fixation de l’azote

Les quantités d’azote fixées par des légumineuses correctement inoculées et bien nodulées, dépendent de l’espèce végétale et des caractéristiques du sol ainsi que de l’environnement dans lequel elles poussent.

 

🌱🌱 Les légumineuses annuelles ou à graines 🌱🌱
Dans les premiers stades de croissance, les taux de fixation d’azote sont faibles.
Ils augmentent rapidement à mesure que la biomasse de la plante se développe, atteignant des niveaux significatifs au cours des premiers stades de reproduction, afin de répondre aux besoins accrus en azote de la plante.

exemple : soja, haricots, lentilles, pois, fèves, arachides, etc…

Ces dernières obtiennent généralement une proportion importante de leurs besoins en azote grâce aux rhizobiums auxquels elles sont associées. Le reste de leurs besoins en azote sont couverts par l’absorption d’azote sous forme assimilable présent dans le sol.

Une forte proportion de l’azote total se retrouve sous forme de protéines dans la graine et sera soustraite à l’écosystème lors de la récolte.

Cependant, de grandes quantités d’azote restent fréquemment dans le champ sous forme de composants protéiques venant des tiges, des feuilles, des racines et des résidus de culture en général.

Ensuite, le processus naturel de décomposition transforme cet azote et il rejoint le réservoir de matière organique du sol.

Par la suite, les processus de minéralisation rendront l’azote disponible pour les prochaines cultures.

 

🌿🌿 Légumineuses vivaces ou fourragères 🌿🌿

Les taux de fixation d’azote varient tout au long de l’année, en fonction de la croissance de la biomasse aérienne et du caractère saisonnier des espèces.

exemple: luzerne, lupin, trèfle, lotier, etc…

 

Avec les légumineuses fourragères, la fixation biologique de l’azote peut atteindre des niveaux très élevés. Cela a un impact positif direct sur la croissance des pâturages, les caractéristiques du sol et l’azote résiduel qui va être disponible pour les prochaines cultures.

Par exemple, dans les climats tempérés, la FBA peut atteindre 30 à 35 kg d’azote/tonne de matière sèche aérienne/hectare/an.

Selon le système de production et l’utilisation du pâturage fourrager (pâturage direct, ensilage, ballots), il y aura différents niveaux d’exportation de matière sèche hors du champ et donc des niveaux différents d’azote recyclé dans le sol.

 

Néanmoins, dans les pâturages constitués d’espèces vivaces, il y a toujours des quantités importantes de feuilles sénescentes et autres tiges qui se finissent par se retrouver dans le sol. Ces éléments représentent des apports élevés en azote qui, après décomposition et minéralisation, profiteront aux graminées associées présentes dans le pâturage et augmenteront les niveaux d’azote du sol.

5 - Comment décider du bon mélange pour les couverts végétaux ?

Lorsque l’on réfléchit à la composition de son couvert végétal, il faut prendre en compte plusieurs paramètres.

Si l’on recherche une mise en place rapide, un taux de croissance initial, de la biomasse et des systèmes racinaires puissants pour décompacter le sol, alors il faut se tourner vers les graminées et brassicacées.

Établissement rapide, taux de croissance, production de biomasse totale et systèmes racinaires puissants 👉 graminées et brassicacées

Les légumineuses que l’on retrouve dans les couverts végétaux sont davantage utilisées pour leur capacité à fixer un maximum d’azote sur le court terme – par exemple avec des vesces ou les trèfles poussant toute l’année.

Niveau élevé de fixation d’azote 👉 vesces et trèfles

 

Vous trouverez ci-dessous une représentation des plantes fréquemment utilisées dans les couverts ainsi que leur système racinaire.

Cliquez sur le fichier pour afficher une version agrandie de l’image.

Principaux couverts et leur système racinaire – avec l’aimable autorisation de https://sky-agriculture.com/

 

Après un pâturage ou un couvert végétal incluant des légumineuses – détruit par herbicide, gel ou travail du sol – il y a généralement une quantité importante de biomasse aérienne et souterraine de haute qualité et à faible rapport C/N. Le processus de décomposition démarre alors rapidement et les éléments peuvent être intégrés dans le système du sol, contribuant ainsi à une augmentation des niveaux d’azote.

6 - En conclusion

Intégrer des espèces de légumineuses dans une rotation agricole aura un fort impact sur le système de production. Elles sont un excellent moyen d’incorporer l’azote dans le système grâce à la fixation biologique de l’azote qui se produit lorsque les légumineuses créent des symbioses avec leur bactéries rhizobium spécifiques.

Cette méthode pour ajouter de l’azote dans votre système est aussi efficace que durable d’un point de vue environnemental. Elle est également généralement moins coûteuse que la fertilisation chimique.

Il est ainsi très avantageux d’inclure des espèces de légumineuses dans une rotation, quelle qu’elle soit (rotation de cultures grains ou une rotation incluant des couverts ou des pâtures).

 

 

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