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par Rémi Poirier

Ingénieur agronome chargé de support technique



Retenir les éléments fertilisants, gérer les adventices, structurer le sol, favoriser la vie du sol… Les couverts végétaux maintenant reconnus comme de véritables outils agronomiques alors qu’il n’y a pas si longtemps on les percevait encore comme des contraintes règlementaires supplémentaires (CIPAN : Culture Intermédiaire Piège A Nitrate).

Rémi Poirier, ingénieur agronome chez Lallemand Plant Care et spécialiste du sujet présente dans cet article quelques effets intéressants des couverts végétaux. Il livre une série de conseils pour bien choisir leur composition et les facteurs clefs pour réussir.

👇 Et le tout premier et probablement le plus important des conseils 👇

Le couvert doit être considéré comme une culture à part entière

Ainsi, la qualité du semis et l’attention portée à la réalisation de ces couverts sont primordiales pour garantir leur réussite.

Ce n’est que par la suite qu’ils pourront apporter les effets escomptés.

1 - Couvert végétal à quoi ça sert ?

Les couverts végétaux  recyclent les éléments fertilisants

Dans l’idée des CIPAN, l’objectif que l’on peut attribuer à un couvert est la réorganisation d’éléments fertilisants potentiellement lessivables ou lixiviables (N, P, K) en matériel végétal.
Ils limitent ainsi les “fuites” de fertilité de nos systèmes de production.
Ce recyclage permet d’aller chercher des éléments qui descendent dans le profil afin de les réorganiser sous forme de végétal en surface.

Dans ce cadre on observe un « recyclage des éléments fertilisants ».

Dans les schémas ci-dessous, on remarque que le niveau de reliquat azoté est globalement 4 à 7 fois supérieur pour un sol nu ou un couvert implanté tardivement en comparaison d’un couvert estival implanté dès la moisson.

Source : Nitrawal, essai Melles (Belgique), 2008

Un point à soulever ici est la relation entre biomasse produite et azote capté. Une synthèse réalisée par la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais sur 14 ans d’essais avec près de 300 couverts différents a démontré qu’en moyenne les couverts ont la capacité de capter 26 unités d’azote par tonne de matière sèche (MS) produite. Dans ce cadre, plus un couvert sera développé, plus il aura la capacité de capter de l’azote.

Évolution du stock d’azote minéral du sol au cours du temps pour différents couverts en interculture longue d’après G. Véricel, 2009, compilation d’essais

Outre le recyclage de la fertilité, certains couverts avec une dominante légumineuse sont capables de capter de l’azote atmosphérique grâce une symbiose avec des rhizobiums. Ces légumineuses vont dans un premier temps capter de l’azote disponible dans le sol. Puis grâce à leur relation symbiotique avec les rhizobiums, elles vont également capter de l’azote atmosphérique et ainsi l’ajouter au système.

Les couverts végétaux sont utiles pour gérer les adventices

Bien sûr, ils ne peuvent pas remplacer un désherbant et seront inefficaces sur des adventices déjà en place avant le semis. Cependant, ils peuvent être de redoutables concurrents en termes d’espace, de ressources alimentaires et parfois en développant des procédés telle que l’allélopathie (on vous explique plus bas).

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Premier levier : viser un démarrage rapide du couvert accompagné d’un fort pouvoir couvrant pour créer une compétition sur la lumière. Tout le monde a déjà observé le faible niveau d’adventices sous un couvert développé à forte biomasse.

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Second levier : créer une compétition sur les éléments nutritifs . Les adventices étant en majorité nitrophiles, si on limite leur accès à cette ressource, elles seront placées dans des conditions peu favorables. En mettant en place un couvert très carboné (choix des espèces et/ ou destruction tardive) avec un C/N élevé on peut “vider” l’horizon supérieur de l’azote disponible.

À noter que le couvert va également entrer compétition avec les adventices sur la ressource en eau.

L’objectif des stratégies décrites ci-dessus, est de placer les adventices dans de mauvaises conditions de développement. Il est ainsi courant d’observer dans un couvert performant, des plantules souvent difformes, peu développées, qui vont être amenées à mourir.

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Dernier levier  intéressant : l’allélopathie.

Ce terme barbare désigne l’ensemble des interactions biochimiques directes ou indirectes de certaines plantes sur les plantes avoisinantes. Concrètement, certaines plantes libèrent des composés phytotoxiques qui  limitent le pouvoir germinatif de leurs voisines et/ou induisent des malformations conduisant à leur mort.

Certains couverts sont connus pour posséder ces mécanismes :

  • les Poacées (seigle, avoine, blé)
  • les Fabacées (mélilot, certaines variétés de luzerne, trèfle violet)
  • les Alliacées,
  • les Polygonacées (sarrasin)
  • mais ce sont surtout les Brassicacées (moutardes, cameline, navette, radis chinois…) qui semblent posséder la plus forte activité allélopathique.

Globalement pour une gestion optimale de la flore adventice nous conseillons de combiner plusieurs voies.

Les couverts végétaux structurent le sol

Pour un bon fonctionnement, le sol doit avoir une organisation verticale.
Cette dernière peut être assurée directement par les racines des couverts. En effet, ils permettent cette réorganisation en proposant des racines pivotantes (à fort pouvoir de pénétration) à des périodes de l’année favorables à une structuration en profondeur grâce à un sol humide et meuble (période hivernale).

Dans ce poster de Sky-agriculture, on peut voir les types de racines développées par différents couverts. Cliquez sur le poster pour l’agrandir.

Les couverts sont également une ressource alimentaire pour les macro et microorganismes du sol eux même acteurs de la structure du sol.

D’abord pour les vers de terre, principalement les anéciques, qui se nourrissent de matières organiques en surface, digèrent dans les profondeurs, et rejettent une partie de leurs déjections dans leur galerie et le reste en surface sous forme de turricules.

Les vers de terre développent des galeries verticales qui seront pour 80% d’entre elles explorées par des racines qui y trouvent des nutriments et un formidable moyen de descendre sans effort dans le profil.

Les microorganismes, attirés par les racines des couverts, interviennent également dans une bonne structuration du sol. Leur production de colles organiques, comme la glomaline,  va permettre de conserver l’organisation des agrégats de terre organisés par le travail des racines de couvert et des vers de terre. Ces productions de glomaline se concentrent surtout autour des racines car les microorganismes se nourrissent des exsudats racinaires.

Source Rémi POIRIER. Effet de la glomaline sur l’agrégation d’un sol sableux autour d’une racine de seigle.

Mais on en retrouve également autour des galeries de vers de terre ou les microorganismes sont attirés par les déjections dont ils se nourrissent.

Source Rémi POIRIER. Effet d’une galerie de vers de terre sur l’activité biologique du sol.

Les couverts végétaux favorisent la vie du sol

Pour maintenir une forte activité biologique dans les sols, il est INDISPENSABLE qu’il y ait des ressources alimentaires de manière continue sur l’année.

Le facteur le plus limitant du développement de la population de vers de terre n’est pas les produits phytosanitaires mais le manque de nourriture sous forme débris végétaux en surface.

Un sol trop propre à cause de l’enfouissement des résidus de culture est ainsi fortement préjudiciable au développement des populations lombriciennes.
Les couverts sont donc un outil essentiel pour fournir une ressource alimentaire variée et continue à la vie du sol. Le couvert devient une ressource une fois qu’il est détruit et réparti sur le sol. Là commence le travail de dégradation de la matière par les organismes du sol. Un des effets de cette dégradation sera de ramener le C/N du couvert ingéré (oscillant généralement entre 20 pour un couvert jeune de légumineuse et plus de 100 pour un couvert de grainées ou de brassicacée tardif) à un C/N oscillant entre 8 et 10.

Source Rémi POIRIER. Semis direct de maïs dans un couvert diversifié en partie digéré.

Mais attention, plus le C/N du couvert sera élevé, plus la biologie du sol devra trouver de l’azote pour dégrader cette matière. La destruction des couverts doit donc être gérée en fonction de vos objectifs.
Il est par exemple possible de produire un couvert carboné avant maïs avec du seigle forestier détruit avant le semis par roulage. L’objectif est ensuite de venir semer en direct ou avec un strip-till afin de conserver cette biomasse en surface et proposer cette ressource alimentaire au organismes tellurique tout au long du cycle cultural du maïs.
Il faudra également apporter tout ou partie des éléments fertilisants en localisé.

Les couverts vont enfin créer un microclimat favorable au niveau du sol. En été, les couverts permettent de réduire la température du sol préservant ainsi l’activité biologique dont la température optimale se situe aux alentours des 20°C. En automne, les couverts forment une couverture qui joue le rôle d’isolant, permettant de retarder la diminution de cette activité pour cause de froid.

Les couverts apportent un service écosystémique (pollinisation, faune de plaine, limitation de l’érosion, gestion de l’eau, communication, …)

Outre les avantages précédemment cités, les couverts végétaux présentent une multitude de bénéfices supplémentaires.

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Ils peuvent proposer des floraisons avant hiver et/ou au début du printemps pour aider les pollinisateurs à faire des ressources pour passer l’hiver et les aider à trouver facilement des ressources alimentaires pour redémarrer la saison. Dans ce cadre ils peuvent être aussi une ressource mellifère non négligeable et pour certains, une source de revenus supplémentaires.

Source Rémi POIRIER. Couvert de phacélies automnales, une aubaine pour les abeilles.

Globalement, le développement agricole a conduit à une diminution de la petite faune de plaine en réduisant l’attractivité de ces territoires avec la suppression des zones refuges et des ressources alimentaires.

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Les couverts sont une bonne solution à ce problème car ils constituent d’excellentes zones refuges pour se protéger des prédateurs et sont riches en insectes qui constituent la majeure partie de l’alimentation de la faune de plaine.

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Les couverts jouent également un rôle majeur dans la limitation de l’érosion. En effet ils permettent lors qu’ils sont couplés à des techniques de travail simplifié, d’accroitre la matière organique en surface ainsi que le nombre de résidus, tout cela freine la vitesse de l’eau et limite l’érosion.

Par leur pouvoir de structuration du sol, soit directement par leurs racines, soit par la stimulation de la biologie du sol les couverts végétaux permettent également d’infiltrer de l’eau dans le sol. Aussi lors qu’ils sont couplés à des pratiques de conservation des sols ils participent à l’augmentation du taux de matière organique des sols permettant d’augmenter la réserve utile. A noter qu’un seul gramme d’humus est capable de retenir 10 fois sont poids en eau. Dans ce cadre les sols ont une réserve accrue en eau et possèdent une meilleure résilience aux sècheresses.

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Enfin dans un monde où la communication avec le grand public est devenue indispensable, les couverts végétaux jouent un rôle d’ambassadeur d’une agriculture qui se réinvente.

On appelle ces couverts des engrais verts. Ces derniers peuvent rapporter en moyenne un trentaine d’unités d’azote par hectare.

2 - Comment choisir son couvert végétal?

Le choix du couvert végétal varie en fonction des besoins et objectifs de chacun. On peut néanmoins généraliser différents points :

  • Un mélange d’espèces est toujours à réaliser. On peut indiquer un minimum de trois espèces. Différentes raisons à cela, les espèces peuvent avoir différents niveaux de réponse aux conditions climatiques ainsi, sur un même mélange semé chaque année, le couvert aura tous les ans selon les conditions un aspect différent.
  • Quelle méthode de destruction envisager ? L’une des plus économiques est le gel. Cependant, selon les régions, tout le monde ne peut pas bénéficier de cette méthode.
  • Une autre méthode particulièrement efficace est le choix d’un couvert d’annuelles avec une destruction par roulage après floraison. En effet, après ce stade, la plante a réalisé son cycle de reproduction et ne sera pas en capacité de repartir.
  • Bien garder en tête la culture principale pour éviter de réaliser un couvert essentiellement constitué de plantes hôtes de maladies ou de ravageurs. Ceci a un moindre impact dans un couvert très diversifié.
  • Exploiter le maximum de strates aériennes et souterraines pour une forte production de biomasse.

Pour des aspects « recyclage d’éléments fertilisants » il faut privilégier des espèces relativement agressives sur la fertilité disponible comme le radis, la moutarde, le chou, la phacélie, l’avoine diploïde ou le seigle.
Pour des aspects de « gestion des adventices » on peut jouer sur des couverts à implantation rapide dans des conditions sèches, avec un fort pouvoir couvrant comme la moutarde, la vesce, le moha ou la phacélie.
Pour jouer sur un effet allopathique on peut choisir du seigle, du lin, de la caméline, de l’orge, de l’avoine strigosa, du sorgho ou du moha.
Pour la production d’un couvert carboné on peut choisir des combinaisons avec de la moutarde, du seigle forestier ou du sorgho fourrager.
Pour un objectif de structuration du sol on peut s’orienter vers des espèces à racine pivotante comme le tournesol, le radis chinois, la moutarde, le colza fourrager, la fèverole.

3 - Quel couvert végétal avant maïs ?

Le maïs est à la fois une extraordinaire culture par sa forte production de biomasse et une calamité pour la vie du sol par la non-présence de ressources alimentaires durant son cycle.
On tentera donc de réaliser un couvert conséquent afin d’apporter ici de la matière à digérer pour la biologie du sol tout le long du cycle cultural du maïs.
Pour le maïs on cherchera également une bonne structuration du sol à la fois en profondeur pour permettre aux racines du maïs de descendre dans le profil mais aussi en surface pour garantir un bon contact sol graine.
Les besoins azotés du maïs sont principalement avant 10 feuilles. Il faudra privilégier un couvert à faible C/N sauf si une démarche de gestion des adventices par l’azote avec une localisation de l’engrais est nécessaire.

Concrètement nous recommandons une implantation en interculture longue après céréales soit avec un semis dès la récolte quand les conditions le permettent, soit un semis d’automne.
Avec un couvert  implanté tôt (dès la récolte précédente), on peut envisager une destruction après floraison courant décembre/janvier par roulage (sous le gel idéalement) et/ou pâturage.

Avec un couvert plus tardif il sera préférable pour obtenir un maximum de matière, de détruire le couvert dans le mois précédant le semis du maïs ou après le semis avec une destruction chimique.

Pour la préparation du semis selon les conditions, les types de sol et le niveau de fonctionnement des sols, différentes méthodes peuvent être employées :

  • Pour les sols les moins prêts, l’utilisation du strip-till est recommandé. Il peut être passé une première fois avec la dent en fin d’été/ début d’automne en condition sèche. Puis une deuxième fois selon les types de sol pour réchauffer la ligne de semis au printemps sans la dent, en condition humide.
  • Un semis direct peut également être réalisé selon le niveau d’avancement des terres.

Pour le choix des espèces nous recommandons un couvert multi-espèces ayant pour objectif une production maximale de biomasse avec un C/N aux alentours de 60 afin d’allier temps de décomposition et limitation de faim d’azote.

Un couvert avec

  • de la féverole, du radis chinois, du tournesol, de la moutarde et du moha pour structurer le sol en profondeur
  • de la phacélie et du trèfle pour ameublir le sol en surface
  • du pois et de la vesce pour diminuer le C/N du couvert
  • enfin du lin, de la cameline et du sorgho pour tenter d’avoir un effet sur les levées d’adventices et de maximiser l’impact au sol du couvert.
source Rémi POIRIER. Exemple de couvert précédant maïs.

4 - Comment semer des couverts végétaux ?

Le premier facteur de réussite des couverts végétaux reste le climat comme toute production agricole. Néanmoins il est possible mettre toutes les chances de son côté pour réussir un couvert.
Le semis est probablement le point le plus important. En effet de mauvaises conditions de semis conduisent à des pertes significatives de levée, surtout en condition sèche. Pour cela il faut favoriser le contact sol/graine sans trop perturber le sol pour ne pas favoriser les levées d’adventices et assécher la surface. Pour cela, le meilleur compromis est un semoir à dents fines (12 mm de large maximum) pour le semis des couverts végétaux en condition sèche.

Source Rémi POIRIER. Exemple de type de dents pour semis de couverts en condition sèche.

Le semis doit être réalisé dès la moisson si les conditions le permettent ou dès les premières pluies en août. Il faut maximiser le nombre de graines par m². Pour cela il faut inclure dans le mélange des petites graines comme la phacélie, le lin, la caméline ou le trèfle.
Le second point est la fertilisation du couvert. Comme toute culture en semis direct la fertilisation en localiser est un facteur clef de succès. Un apport de seulement 30 unités permet de gain de production important.

5 - Pour aller plus loin

Le pâturage de couvert

Le pâturage des couverts est un moyen efficace et rentable pour la destruction des couverts. Il permet de surcroit d’avoir un retour rapide des éléments recyclé par le couvert. Le couvert ayant été digéré par les animaux les éléments fertilisants sont disponibles.

Cette méthode permet d’accélérer le cycle de recyclage des éléments. Ainsi le couvert peut-être directement valorisé par la culture suivante.

Source Rémi POIRIER. Pâturage des couverts estivaux par les brebis.

De plus cette méthode permet de réaliser un produit viande non négligeable à moindre coût en réalisant des économies sur la destruction des couverts. Cette méthode est aussi dite douce et ne détériore pas la faune de plaine. Enfin, elle permet de nourrir une grande diversité d’insectes grâce aux déjections des animaux.

Le couvert comme bioréacteur

Le couvert végétal peut enfin servir de bioréacteur pour inoculer un sol avec des microorganismes bénéfiques, comme l’installation d’un réseau mycorhizien, qui servira à la culture suivante.

La mise en place d’un réseau mycorhizien prend un peu de temps et son coût énergétique peut s’avérer élevé pour une culture courte comme le maïs. Le couvert pourrait donc jouer le rôle de réacteur, permettant au réseau de s’installer.

Photo au microscope de racines mycorhizées. On distingue clairement les filaments mycéliens permettant d’explorer plus finalement le sol à la recherche de plus d’éléments minéraux et d’eau.

Une fois ces solides fondations installées dans le sol, il n’y aura plus qu’à brancher la culture suivante pour qu’elle en tire tous les bénéfices.

Le réseau mycorhizien peut résister à la destruction du couvert et se connecter à la culture suivante, à condition de ne pas l’avoir perturbé par un labour.

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